SHAFIK ALNAWAB 1943 born in Bagdad of Indian and Iranien parentage. Art academy Bagdad.

Lorsque j’ai laissé derrière moi la Holi*, le soleil, déjà happé par le Gange, renvoyait ses derniers rayons flamboyants vers les âmes en délivrance. Le temps s’était alors emparé de la moitié des couleurs de la ville, laissant l’autre moitié accaparer les murs des ruelles.
Des portes et des fenêtres des temples d’or, le son des cithares s’échappait en traversant les parfums d’encens. J’ai alors suivi ce son magique. Il m’a guidé des ruelles sinueuses de Varanasi aux portes du Gange.
Je me suis respectueusement agenouillé au bord du fleuve sacré, et j’ai trempé mes pinceaux au milieu du scintillement de mille bougies flottantes. C’est dans cette lumière, que j’ai reconnu le reflet du visage de ma grand-mère. Son sari orange tournoyant est allé jusqu’à caresser les fleurs des palmiers de Babylone dont le cœur d’argile s’était déjà répandu dans l’histoire de l’expédition de Gilgamesh et avait chanté la légende d’Ishtar.
Dans cette transe, je ne sais comment, je fus enlevé par un cerf-volant violet tiré par un fil qui me laissait entrevoir des bourgeons verts naissants et qui, juste avant le crépuscule, m’a déposé sur le mirage de Jaisalmer et son sable doré. J’ai alors planté mes pinceaux dans le corps fertile du désert. Depuis ce jour, ceux-ci ont laissé faire grandir des feuilles concrètes d’illusions.
J’ai, en effet, commencé à percevoir le chuchotement que font dans le vent les tissus en lambeaux. Qui sait ? Etaient-ce les morceaux de rideau d’un théâtre abandonné ? Les comédiens avaient-ils oublié leur costume sur les planches et laissé leurs rôles dans des échos lointains ? Ou alors, était-ce une cape de pèlerin d’Orient ? Je sens encore son odeur de henné. Ou peut-être simplement, était-ce la voile d’un bateau voyageur ? J’entends toujours la mélodie des vagues et des goélands dans ses plis.
Entre ce flux et ce reflux, je sens encore et encore les battements de la Holi dans ce morceau de tissu rapiécé.
Babylone n’est plus très loin. Varanasi non plus. Pas plus que le ciel peut embrasser l’eau. Qu’elles soient écritures arabes ou hindi, cunéiformes ou hiéroglyphes, leurs traces se sont réunies sous les couvertures de livres humides et poussiéreux. De ce bleu envoûtant de Bundi à ce rose brûlant de Jaipur, des ruelles de Lucknow à celles de Katmandu, j’ai ramassé des drapeaux tibétains et aussi des rouleaux de manuscrits.
J’ai gardé en moi le rêve des racines, l’odeur de l’inconnu et j’ai senti le fameux parfum des fleurs grises. Puis, dans le regard des cendres, j’ai vu la Divali*. Pendant l’éclipse de la lune et du soleil, j’ai ouvert le talisman des Touaregs et j’ai cueilli les pigments verts de la menthe.
Sur le chemin du retour vers mes tableaux, je portais toutes ces serrures rouillées de mes villes abandonnées. Puis, enfin, je touchais les tatouages du passé dans les murs des prisons.
Alors que je triais tous ces matériaux recueillis au fil du temps, j’ai soudain été emporté par un tourbillon magique qui m’a projeté d’un coup sur mes tableaux cloués sur les murs silencieux de l’éternité.
Shafik ALNAWAB

One-Man-Shows from 1982 (selection):
1991/94/97/2000/04/11 Galerie Vita, Bern und Feldbrunnen-Solothurn
1994/95/96/97/98/99/2000/01/02/04/06 Europ’Art, Geneva, Galerie Vita
1982/83 Galerie Grande-Fontaine, Sion
1983 Galerie des Bastions, Genève; Galerie Picpus, Montreux
1984 Galerie de la Cathédrale, Fribourg
1986/89/91/93/94 Galerie Contemporaine, Genève
1987 Art 18’87, Basel, Galerie Contemporaine, Genève
1988 Galerie Redies, Düsseldorf; Art 19’88 Basel, Galerie Contemporaine, Genève
1989/92 Galerie Kodama, OsakaArt 20’89 Basel, Galerie Contemporaine, Genève
1990 Galerie Arte Spazio, Tokyo; Galerie Kutter, Luxembourg
1992 Art Nürnberg 7, Nürnberg; Heide Hofbauer, Genève
1993 Art 24’93 Basel, Galerie Contemporaine, Genève
1994 Yokohama 94 – International Art Fair, Japan, Galerie Kodama, Osaka
1995/97/99/01/02/04 Galerie D’Etraz, Lausanne
1996 Galerie L’Escapades, Genf; Galerie Jonas, Neuchâtel